Juancitucha

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Au Pérou le Sentier lumineux renaît de ses cendres

Des soldats péruviens dans la vallée de l'Apurimac, où des activistes du Sentier Lumineux sont basés, 23 avril 2009

La réapparition du Sentier lumineux, qui a semé la terreur au Pérou dans les années 1980 et 1990, risque de provoquer de nouveaux conflits dans le pays. Renforcés par leur alliance avec les narcotrafiquants, les derniers représentants du mouvement de guérilla ont fait leur réapparition dans le sud du pays, dans la vallée des fleuves Apurímac et Ene, connue aussi sous le nom de VRAE. Leur objectif n’est plus de remplacer les “institutions bourgeoises” par un régime communiste rural, comme par le passé.

Ces derniers mois, ils tentent de redorer le blason idéologique du groupe en donnant des allures de “guerre populaire” à ce qui n’est rien d’autre qu’une lutte pour la maîtrise de la route de la drogue.

L’opération lancée par le gouvernement pour contrer le nouveau Sentier lumineux dans la VRAE a été baptisée “Excelencia 777”. Il s’agit de la plus grande opération militaire entreprise depuis dix ans au Pérou. Elle a débuté en août 2008, mais, ces derniers mois, la nécessité de nouveaux investissements s’est clairement fait sentir. Depuis janvier, onze embuscades dans la région ont coûté la vie à 32 militaires. Le chef de l’armée, Otto Guibovich, admet que le Sentier lumineux pourrait compter jusqu’à 600 membres, le double de ce que les autorités reconnaissaient jusqu’à présent.

“Le Sentier lumineux a réussi à changer ses rapports avec la population et avance si vite qu’il fait désormais penser aux Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC), estime Otto Guibovich. Je ne peux écarter la possibilité d’un lien avec ce groupe, ils ont recours à des techniques très similaires.”

D’inspiration maoïste, parmi les nombreuses guérillas qui se sont multipliées dans la région durant la guerre froide, le Sentier lumineux s’est distingué comme le mouvement révolutionnaire le plus féroce et le plus sanguinaire d’Amérique latine. Il a compté jusqu’à 10 000 membres et causé la mort de plus de 35 000 personnes entre 1980 et 1999, soit une moyenne de 5 assassinats par jour. Selon plusieurs enquêtes, ce mouvement de guérilla communiste fanatique s’est transformé en un groupe de narcotrafiquants à partir de juillet 1999, après l’arrestation d’Oscar Ramírez Durand, “camarade Feliciano”, numéro deux du mouvement.

De 1992 à 1999, Durand avait poursuivi la lutte contre l’armée et les milices paramilitaires locales, désobéissant ainsi aux ordres du premier leader et fondateur du groupe, Abimael Guzmán, “président Gonzalo”, alors en prison. Celui-ci voulait que le mouvement signe la paix avec le gouvernement d’Alberto Fujimori (1990-2000).

Une question sensible pour les péruviens

“De 2000 à 2003, les membres du mouvement qui ne s’étaient pas rendus ont lancé une campagne destinée à réhabiliter son nom, en attribuant ses exactions à l’ancien Sentier lumineux ainsi qu’à Gonzalo et à Feliciano”, explique Jaime Antezana, spécialiste péruvien de la question. La direction a alors été assumée par Víctor Quispe Palomino, “camarade José”. Sous son influence, le mouvement a renforcé ses liens avec les narcotrafiquants.

Dans un premier temps, il assurait la sécurité des mochileiros, ces jeunes chargés du transport de la cocaïne, et des planteurs de coca. Après avoir reçu des renforts, en 2003, les membres du Sentier lumineux ont enlevé 71 travailleurs de la société argentine Techint [relâchés trente-six heures plus tard]. Par la suite, leurs actions ont eu des objectifs plus économiques que politiques. Le Sentier lumineux a aussi commencé à participer à toute la chaîne de production de la coca, en incitant les paysans à délaisser les plantations légales pour devenir ses fournisseurs. L’argent de la drogue a servi à financer ses achats d’armes, la solde de près de 200 dollars versée aux hommes ainsi que leurs uniformes.

Gustavo Gorriti, directeur de l’Institut de défense juridique du Pérou, qui a étudié le Sentier lumineux, remontant jusqu’aux années 1980, pense que la comparaison avec les FARC est appropriée. “Les deux groupes ont un passé de guérilla, mais ils ont connu la prospérité en s’alliant aux narcotrafiquants.”

Une autre similitude avec le cas colombien est la difficulté du gouvernement à lutter contre la guérilla sur un terrain difficile, tapissé de forêts, propice aux embuscades et que les rebelles connaissent comme leur poche.

“Après les pertes subies par les forces armées dans la VRAE, l’opinion publique tend à faire de plus en plus pression pour un renforcement des actions d’endiguement de la guérilla, confirme Gustavo Gorriti. Il s’agit d’une question plutôt sensible pour les Péruviens et pour un gouvernement comme celui d’Alan García, dont la cote de popularité ne dépasse pas 20 %. Un échec pourrait avoir de sérieuses conséquences pour lui.”

source : http://lerouetacoeurouvert.blogspot.com/2009/05/au-perou-le-sentier-lumineux-renait-de.html


01/06/2009
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