Juancitucha

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Remettons au goût du jour le Pacte international sur les droits économiques, sociaux et culturels

23 novembre par Renaud Vivien, Florence Kroff, Renaud Duterme, Virginie de Romanet

 

Le dernier sommet de la FAO à Rome constitue, une nouvelle fois, un échec pour tous les défenseurs des droits humains et surtout une condamnation pour le milliard de personnes affamées dans le monde. Outre l’absence éloquente de tous les dirigeants du G8 (à l’exception de Silvio Berlusconi - pays hôte oblige), la déclaration finale passe à côté des principales causes de la faim dans le monde : la vente de terres agricoles de pays d’Afrique et d’Asie à des Etats et des entreprises étrangères, la spéculation dans les bourses de matières premières ou encore la production d’agrocarburants. Pis, cette déclaration reste prisonnière du dogme libéral en prônant une plus grande ouverture des marchés agricoles tout en omettant les effets destructeurs du dumping agricole sur les millions de paysans et plus largement sur le droit à l’alimentation ; un droit fondamental reconnu par le Pacte international sur les droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC).

Ce traité international, ratifié par la majorité des Etats dont la Belgique en 1983, reconnaît dans son article 11 « le droit fondamental qu’a toute personne d’être à l’abri de la faim » et impose aux Etats d’adopter « individuellement et au moyen de la coopération internationale, les mesures nécessaires, y compris des programmes concrets (…) pour assurer une répartition équitable des ressources alimentaires mondiales par rapport aux besoins ». Malgré le caractère juridiquement contraignant de ces dispositions pour les Etats et les études qui montrent qu’il y a assez de nourriture pour tous les humains, la situation s’est considérablement dégradée dans le cadre de la mondialisation néo-libérale et ce, bien avant l’éclatement de la crise globale. Le fossé entre le Nord et le Sud s’est creusé et les inégalités dans les pays du Nord ont explosé. Cette injustice généralisée risque encore d’empirer avec la crise mondiale, à moins d’un changement radical de logique concrétisant enfin la primauté des droits humains sur les intérêts égoïstes des Etats.

La ratification du Protocole additionnel au PIDESC par les Etats pourrait être un premier pas dans cette direction. Adopté par l’Assemblée générale des Nations-unies le 10 décembre 2008 après vingt ans de pression des ONG et des mouvement sociaux, ce protocole doit être ratifié par au moins 10 Etats pour entrer en vigueur. La Belgique l’a signé le 24 septembre 2009 mais ne l’a pas encore ratifié. En donnant compétence à un Comité de l’ONU pour examiner des plaintes d’individus, de groupe d’individus ou d’ONG mandatées, alléguant des violations des droits énoncés dans le PIDESC, ce protocole renforcera (s’il est adopté) la protection de ces droits fondamentaux tels que les droits à l’alimentation, à la santé, à l’éducation, au logement, etc. L’enjeu de la ratification est également de mettre fin à la différence de traitement totalement injustifiée entre d’un côté, les droits, économiques, sociaux et culturels et de l’autre, les droits civils et politiques qui bénéficient d’un mécanisme de plainte depuis 1976 !

Alors que la Conférence mondiale sur les droits de l’homme a rappelé à Vienne en 1993 que « les droits humains sont universels, indissociables, interdépendants et intimement liés », force est de constater que les droits économiques sociaux et culturels ne sont toujours pas considérés comme des obligations juridiques par les pouvoirs publics. Pourtant, le PIDESC impose aux Etats de respecter, protéger et promouvoir ces droits humains à l’intérieur mais aussi à l’extérieur de leur frontières, via une véritable coopération internationale. Sur son territoire, la Constitution belge impose aussi aux politiques de mettre en oeuvre les droits économiques, sociaux et culturels énoncés à l’article 23, qui dispose notamment que «  chacun a le droit de mener une vie conforme à la dignité humaine ». On peut ainsi apprécier le décalage manifeste entre les textes et la réalité…

En tant que partie au PIDESC, la Belgique s’est aussi engagé «  à agir, tant par son effort propre que par l’assistance et la coopération internationales, notamment sur les plans économique et technique, au maximum de ses ressources disponibles, en vue d’assurer progressivement le plein exercice des droits reconnus dans le présent Pacte par tous les moyens appropriés, y compris en particulier l’adoption de mesures législatives » (article 2). Ce qui passe nécessairement par une augmentation et une réforme radicale de son aide publique au développement (APD). En effet, de nombreuses dépenses de la Belgique ne contribuent en rien au développement du Sud comme certains frais liés à la répression des « sans-papiers », les allègements de dettes ou encore les frais exorbitants d’experts originaires de pays industrialisés, auxquelles il faut encore ajouter les prêts concessionnels et l’aide liée qui profitent principalement aux dirigeants et aux entreprises belges. Toutes ces dépenses ne servent en réalité qu’à gonfler artificiellement l’APD, alors que dans le même temps, le seul remboursement annuel du service de la dette est supérieur au montant de l’APD ! Soulignons que la coopération au développement implique également la levée de tous les obstacles au développement comme la dette du Sud largement illégitime.

Malheureusement, sous prétexte de la crise, nos Etats sacrifient les budgets de la coopération au développement et nous demandent de nous serrer la ceinture, après avoir injecté en quelques mois des centaines de milliards de dollars aux banques privées. Pourtant, la somme estimée par l’ONU pour assurer à la totalité de la population les services sociaux essentiels n’est que de 80 milliards de dollars par an pendant dix ans… De ce fait, l’argument du manque de ressources financières pour le Sud est donc irrecevable. Il s’agit bien d’un choix purement politique qui viole leurs obligations en matière des droits humains. En décidant de renforcer le FMI et la Banque mondiale, malgré les dommages causés par leurs politiques anti-sociales dans le tiers-monde et tout récemment en Europe de l’Est, le G20 encourage même ces violations. Ainsi, la Belgique vient d’accorder au FMI, le 13 novembre dernier, un prêt de 4,74 milliards d’euros.

En pleine crise mondiale, le besoin de faire valoir nos droits fondamentaux n’a jamais été aussi vital. Saisissons cette occasion pour rappeler à nos politiques leurs obligations contenues dans le PIDESC et poussons les à ratifier rapidement le Protocole au PIDESC.

Renaud Vivien, Renaud Duterme et Virginie de Romanet sont membres du CADTM Belgique (Comité pour l’Annulation de la Dette du Tiers Monde) et Florence Kroff, membre de FIAN (Foodfirst Information and Action Network). Le CADTM et FIAN organisent le 27 novembre une journée thématique sur les droits économiques, sociaux et culturels à la Maison des Parlementaires à Bruxelles, 21 rue de Louvain de 9h30 à 16h30. L’entrée est gratuite. Plus d’informations sur : http://www.cadtm.org/Conference-deb...



27/11/2009
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