Aux origines de la restauration d'Alan Garcia
Plus encore que pour
d'autres pays d'Amérique du Sud, la politique interne du Pérou et les facteurs
explicatifs de ses déséquilibres politiques et institutionnels internes ne nous
sont pas facilement déchiffrables. Vu d'Europe, un prisme idéologique vient
souvent se greffer sur la perception que nous avons des pays andins en général,
du Pérou en particulier.
Il faut dire que la confusion sociale et politique qui règne au Pérou, réputé au
XVIème siècle pour sa richesse considérable en minerais, ne facilite pas l'atteignement
de l'objectivité nécéssaire.
Commençons par une présentation synthétique des institutions péruviennes, telle
qu'en place fonctionne dans cette semi-démocratie:
Pouvoir exécutif : Le Président de la République est élu au suffrage
universel direct pour un mandat de cinq ans. Il n'est pas
rééligible immédiatement (doit laisser passer une période de cinq ans).
Le Président nomme les membres du gouvernement.
Autrement dit, la longue vacance, loin du pouvoir, d'Alan Garcia (émigré à
Paris pendant plusieurs années dans les années 1990) s'explique autant par des
facteurs politiques (le pouvoir de Fujimori et la "dictature constitutionnelle"
installée pendant près de 10 ans) que constitutionnels. Le but de cette réforme
ayant été d'empêcher des pouvoirs personnels de s'installer dans la durée...
Pouvoir législatif :
Congrès monocaméral de 120 membres élus pour
5 ans au scrutin de liste à la
proportionnelle. (Le Congrès ne peut être dissout
par le Président de la République qu'une seule fois par mandat présidentiel): on
peut noter l'absence d'une chambre haute (ou Senado), contrairement à d'autres
régimes présidentiels d'Amérique du Sud (Brésil, Chili...): le Sénat a en fait
disparu (en 1995) des institutions péruviennes, suite à
l'Autogolpe de 1992
et à la fermeture
momentanée ordonnée, par voie militaire et de dissolution, du Congreso
par le président Fujimori et ses sbires (Vladimiro
Montesinos)...
Pouvoir judiciaire : Cour suprême (un Président et 18 juges).
En apparence, la
démocratie péruvienne est donc théoriquement dotée de tous les garde-fous nécéssaires
à une préservation et à une séparabilité satisfaisante des trois pouvoirs:
le régime est présidentiel, suivant la forme américaine (le
Président nomme les membres du Gouvernement, lesquels ne sont pas responsables
devant le Parlement, contrairement à la situation connue en France de
"responsabilité" du Gouvernement devant le Parlement).
Le Pouvoir judiciaire (Poder
Judicial del Peru) est présumé
"indépendant" des deux tiers pouvoirs (en témoigne les qualités
professionnelles de son président,
Francisco Tavara,
ainsi que la grande tradition juridique péruvienne et la manière dont la caste
judiciaire s'est opposée à l'"auto coup d'Etat" (Autogolpe) de 1992, par
Fujimori) et insusceptible de subir de pressions dans son exercice de la part
de l'Exécutif.
Cette relative rigidité du cadre institutionnel péruvien explique que, par le
passé, les présidents qui ont cherché à s'attribuer de plus grands pouvoirs,
aient dû recourir pour se faire à des situations de force (vis-à-vis des
institutions publiques, des partis, des personnalités d'opposition ou ayant
gouverné avant eux) pour tenter d'imposer leurs solutions: en 1992,
Fujimori préside à la
fermeture du Parlement
(Cierre del Congreso)
et provoque ainsi une crise constitutionnelle, dont il sort apparemment
vainqueur (Constitucion
politica del Peru de 1993),
controlant momentanément les 3 pouvoirs.
Alan Garcia
se trouvait alors au
Pérou et a été contraint, essuyant des tentatives d'assassinat et menacé de
poursuites pour "actes de corruption" sous son Gouvernement (1985-1990), de se
réfugier en Colombie, puis en France (dans un exil doré dans le XVIème
arrondissement, jusqu'en 1999).
De retour au Pérou en 2000, après la chute du régime de Fujimori (et la disgrâce
et l'exil politique de ce dernier, au Japon puis au Chili), Garcia apparaît en
quelque sorte blanchi des crimes qu'on pouvait lui imputer (corruption,
atteintes diverses et variées aux droits de l'Homme entre 1988 et 1990...) du
fait de sa position de victime du
fujimorisme.
Dès 2001, il se présente (sans succès) à l'élection présidentielle, battu par
l'économiste de style libéral Alejandro
Toledo
(2001-2006). Parvenant à se hisser en leader de l'opposition, profitant tant des
revers de Toledo (excessif rigidité budgétaire eu égard à la reprise économique,
agitation sociale et maintien de la pauvreté à un niveau record) que de la
médiatique procédure d'extradition exercée à l'encontre de Fujimori...
Sa victoire de 2006 (face au nationaliste de gauche, favori, Ollanta
Humala, et à la candidate de droite conservatrice-catholique,
Lourdes Flores) est demeurée une surprise? En tant qu'Alan Garcia, à
la tête d'une très vieille machine électorale sociale-démocrate pan-américaine,
l'APRA, aurait
pu apparaître au cours de la campagne comme comme un homme du passé, au
programme flasque ne répondant pas aux attentes sociales "radicales" d'une
partie de la population (à l'image de l'évolution sociale du Vénézuéla ou de l'Equateur),
sans solutions autres que de vagues promesses "attrape-tout",renvoyant
symboliquement le corps électoral vers un passé dont le souvenir sonne
incroyablement cruel, comme la réminiscence de temps révolus pour le Pérou...
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