Le combat à armes inégales du cacao contre la coca en Amazonie péruvienne
AFP - Avec des armes inégales, le cacao et la coca se disputent des poches de
terrain du Pérou amazonien, à mesure que l'Etat et l'aide internationale
encouragent les cultures de substitution, pour contrer la progression de la
coca, base de la cocaïne.
La presse de Lima a célébré comme un petit triomphe les honneurs reçus en
octobre au Salon international du Chocolat à Paris par le cacao d'une
cooopérative de Tocache, dans la province de San Martin (nord-est). Il y a 15
ans, à la place des cacacoyers, y poussaient des plants de coca.
Une victoire symbolique d'autant plus claironnée que le Pérou, 2e
producteur mondial de cocaïne, sait que sa production grimpe (302 tonnes en
2008, en hausse de 4,1% selon l'ONU) et qu'il pourrait fort dépasser la
Colombie.
Aussi sur le terrain, chaque hectare "converti" en culture de
substitution compte. Comme à San Martin, sur les rives du Huayabamba, où les
pirogues à moteur transportaient la cocaïne sous le contrôle de la guérilla
guévariste du Mouvement révolutionnaire Tupac Amaru dans les années 90, lorsque
cette région était la première productrice de coca du pays.
"On était des producteurs. On cultivait, on élaborait la pâte de
cocaïne, on savait tout faire. De vrais spécialistes", raconte Oswaldo
Castillo, ancien planteur de feuilles de coca reconverti dans le cacao, pris en
tenaille pendant des années entre les pressions des narcotrafiquants et des
forces antidrogue.
Ici et là, des programmes de substitution avancent, alliés comme à San
Martin à un programme de reforestation -avec l'aide de l'ONU- pour capter le
CO2. Quelque 75.000 arbustes ont été plantés.
Et en bout de chaîne, la production de cacao péruvien augmente: 30.000
tonnes prévues en 2009, 10% de plus qu'en 2008, dont 85% promis à l'export.
Reste qu'au niveau national, la surface cultivée de feuilles de coca a
augmenté de 4,5% en 2008, à 56.000 hectares, selon l'ONU - dont 8% à peine
voués à la consommation licite (rituelle ou médicinale).
Car le panorama est tout autre au sud-est, dans la Vallée des fleuves
Apurimac et Ene, le fief de la coca péruvienne, avec plus de 16.000 hectares.
Dans ces zones de jungle montagneuse, où l'armée n'est pas maîtresse face à la
guérilla alliée au narcotrafic, le défi pour supplanter la coca est dantesque.
"Même si certaines zones sont par tradition productrices de cacao, le
prix de la feuille de coca et la pression des narcotrafiquants dépassent les
agriculteurs, qui se tournent vers la culture illégale", concède à l'AFP
Hiderico Bocángel, president de l'Association nationale des Cacaotiers.
On arrache ici, on replante là. Et la lutte coca-cacao (ou café) s'invite à
Lima, où plus de 2.000 producteurs de coca en colère ont manifesté deux fois
devant le Parlement fin octobre.
Ils protestent contre un programme d'éradication forcée
-"violente", selon eux- qui a fait deux morts et une vingtaine de
blessés ces derniers mois lors de heurts avec des agents d'arrachage appuyés
par la police.
Surtout, ils se plaignent d'être taxés par l'Etat d'alliés du narcotrafic,
voire de narcotrafiquants. Et ils réclament davantage d'aide pour cultiver le
café ou le cacao, qui ne rapportent pas autant que la coca, selon eux.
L'économiste Dennis Pereyra a calculé en 2008 que la journée de travail
"légale" d'un cultivateur de coca pouvait lui rapporter environ 20
soles (7 dollars). La somme peut monter à 30 soles s'il cultive pour produire
de la cocaïne et 50 s'il s'implique dans le conditionnement.
Des chiffres controversés et surtout aléatoires, tant les ressources et la
souplesse du narcotrafic sur le terrain lui permettent de surenchérir où et
comme il le faut.
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