Juancitucha

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Pérou : retour sur une révolte et un massacre


Des dizaines d’indiens péruviens ont été massacrés le 5 juin 2009 par le gouvernement d’Alan Garcia. Mais on ne saura peut-être jamais avec précision le nombre exact d’hommes et de femmes tombés lors de cette révolte. La discrétion des grands médias sur ces événements tragiques n’avait d’égale, à l’époque, que l’hystérique propagande contre l’Iran (1). Alan Garcia est un ami des Etats-Unis, de l’Union Européenne et de leurs multinationales. On ne dénonce pas ses amis surtout lorsqu’ils signent des traités et des décrets permettant à nos entreprises de réaliser de fabuleux profits en exploitant les richesses du Pérou. Et c’est justement contre cette spoliation de leur richesse que les indiens péruviens se sont soulevés et c’est pour cette raison également qu’on les a massacrés. Ces victimes s’ajouteront à la longue, très longue liste d’hommes et de femmes morts pour avoir courageusement résisté à l’exploitation et à l’injustice.

L’origine du drame plonge ses racines dans le Traité de Libre Commerce ( Free Trade Agreement) signé par le gouvernement péruvien en 2006 et ratifié par la Chambre des représentants des Etats-Unis le 8 novembre 2007. Pour mettre en application cet accord, Alan Garcia fait adopter par le congrès péruvien un ensemble de décrets dont deux sont particulièrement contestés notamment par l’ Association Inter-ethnique de Développement de la Forêt Péruvienne ( AIDESEP) qui regroupe 1350 communautés locales et qui n’a évidement pas été consultée. Il s’agit du décret 1090 « Loi forestière et de la faune sylvestre » et le décret 1064 portant sur le régime juridique des terres à usage agricole. Malgré des appels répétés lancés par l’AIDESEP pour trouver une solution négociée, Alan Garcia a préféré passer en force.

La forêt amazonienne(60 % du territoire) constitue un espace vital pour le peuple indigène. Son existence en dépend directement et totalement. La disparition de l’un entraînerait inévitablement la disparition de l’autre : « La forêt amazonienne fait partie de notre existence et de notre développement, nous y construisons notre Bien Vivre : c’est notre garde-manger, notre champ de production, notre bibliothèque, notre pharmacie, notre banque de semences et d’élevage, notre école... » (2).

Mais pour Alan Garcia et les multinationales comme Talisman Energy (Canada), Perenco (franco-britannique, dirigée par François Perrodo), PlusPetrol (argentine), Petrolifera (canadienne), Repsol (espagnole), Petrobras (brésilienne) etc.(3), l’Amazonie péruvienne est d’abord une source intarissable d’enrichissement. Les indigènes représentent pour eux, un obstacle vivant qui se dresse face à cette insatiable soif du profit. Il faut donc le briser. Sauf que ces indiens méprisés, exploités et opprimés depuis des siècles ont appris, entre-temps avec tous les autres opprimés, à s’organiser et à résister sur tout le continent latino-américain .

En Équateur, ils ont mené et mènent toujours un long et admirable combat juridique contre la multinationale pétrolière Chevron-Texaco qui avait délibérément déversé des millions de tonnes de déchets toxiques(Texaco toxico disent les habitants de l’Équateur) dans la forêt amazonienne et les fleuves de l’Équateur provoquant ainsi une immense catastrophe écologique et sociale. La multinationale américaine est, fait rare, jugée dans un petit pays du sud et probablement sera condamnée.

L’ancien syndicaliste et leader du Mouvement vers le socialisme ( Movimiento al Socialismo) Evo Morales, a été élu président de la Bolivie en 2005 et réélu à une large majorité en 2009. Nationalisation des richesses notamment pétrolières, Rente Vieillesse Universelle Dignité, constitution progressiste, sont quelques-unes des réalisations de la nouvelle Bolivie redonnant ainsi au peuple espoir et dignité.

Le mouvement Zapatiste du Chiapas est devenu au fil des ans le symbole de la résistance et de la lutte contre la misère, l’oubli et surtout contre l’exploitation conçue et organisée depuis Washington et exécutée servilement par le pouvoir local. Ce n’est pas un hasard si l’apparition au grand jour du mouvement coïncide exactement avec la date d’application de l’Accord de Libre Échange Nord-Américain (ALENA) le premier janvier 1994 signé entre les Etats-Unis, le Canada et...le Mexique. Malheureusement ce pays est toujours sous domination américaine avec tout ce que cela signifie comme privilèges pour une minorité et souffrances pour l’immense majorité de la population. Mais la lutte de l’Armée Zapatiste de Libération Nationale ( AZLN) et de tout le mouvement social continue.

Aujourd’hui le Pérou, comme tous ces États d’Amérique latine sous tutelle américaine, est un pays ravagé par une corruption généralisée (4). Le pillage des deniers publics et les scandales financiers en tout genre sont les principales caractéristiques de cette fin de règne d’Alan Garcia.

Le taux de pauvreté est l’un des plus élevés du monde, alors que le pays regorge de richesses ! Exploitation, répression, pauvreté et corruption sont les conséquences logiques de cette mainmise américaine sur les richesses du Pérou. Mais la bourgeoisie locale est tout aussi responsable de ce fiasco économique, social et politique. L’impérialisme américain n’ a rien d’autre à offrir au peuple péruvien, comme aux autres peuples d’ailleurs, que misère, injustice et violence.

Pour se libérer justement du joug de cet impérialisme, d’autres pays d’Amérique latine comme Cuba, le Vénézuela, le Nicaragua, la Bolivie, l’ Équateur...ont choisi une autre voie, celle du socialisme, pour sortir leurs peuples des siècles d’humiliation, d’exploitation et de misère.

En écrivant ces quelques lignes, une terrible nouvelle venue de ce Moyen-Orient tourmenté est tombée : Israël vient de commettre un nouveau crime. Il est difficile de conclure sans penser à ces hommes et à ces femmes admirables tombés sous les balles israéliennes en pleine méditerranée un 31 mai 2010. Ils ont sacrifié leur vie pour un peuple qui souffre depuis plus de soixante ans. Comme les indiens de l’Amazonie péruvienne, ils ont eu le courage de tenir tête à l’arbitraire ; et c’est pour cela qu’on les a éliminés. Alan Garcia et Benyamin Netanyahou sont deux visages, hideux, d’une même réalité, celle du capitalisme. L’un et l’autre, dans des conditions et des contextes bien différents, servent les mêmes intérêts, ceux de l’impérialisme américain.

Mohamed Belaali

 

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(1) http://www.legrandsoir

(2) http://humeursdejeandornac

(3) Carte des compagnies pétrolières qui opère au Pérou : http://www.latinreporters

(4) Le Monde du 6 mai 2010 page 10.



09/06/2010
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