Au Pérou, le travail informel devient statistiques officielles
Il y a peu, à la faveur d'un glissement de
terrain meurtrier dans un campement, l'on découvrait la situation de mineurs de
la région de Puno, travaillant six jours gratuitement et obtenant ainsi le
droit de travailler pour leur compte le septième. L'un des actionnaires
majoritaires de la concessions minière était un parlementaire appartenant à la
majorité présidentielle...
Une situation d'autant plus préoccupante que,
selon le ministère du travail péruvien, chaque mois, 80 % des emplois créés au
Pérou -par des micros ou des grandes entreprises- sont informels. Ce secteur,
qui, selon une étude de
Dans un contexte de crise internationale, la
vague de licenciements et de faillites devrait grossir de nouveau les rangs des
petites mains invisibles.
Le gouvernement de centre-droit d'Alan Garcia a
donc décidé de lancer un inédit programme de mesure de la création d'emplois
dans les micro et petites entreprises informelles.
Un revirement de situation pour un gouvernement
qui, il y a encore peu, minimisait ce phénomène dans l'optique de la signature
d'un traité de libre échange avec les Etats-unis. Celle-ci étant notamment
conditionnée par des conditions salariales satisfaisantes.
Les gérants ne voient pas les bénéfices de la
légalité
S'il est une tradition ancrée dans la culture
péruvienne, c'est bien la subversion des lois face à l'absence de l'Etat.
Depuis l'indépendance au XIXe siècle, le pouvoir liménien créole et métisse,
très centralisé, a souvent ignoré l'existence d'un autre Pérou. La rupture a
été consommée dans les années 1970 et 80, quand des mouvements migratoires
massifs en partie déclenchés par les violences politiques du Sentier Lumineux
et de l'armée régulière, ont déferlé sur les grandes villes.
A Lima, les nouveaux arrivants ont souvent dû
envahir des terrains pour y construire leur logement, recherchant ensuite des
moyens de subsistance et découvrant en la subversion de la légalité une
condition à leur survie. Au fil des années, la liste des occupations
« informelles » est devenue un inventaire à
Le travail chronique des enfants coexiste avec le
développement de sagas familiales à succès dans les secteurs du textile ou de
la construction civile.
Souvent parties de rien, elles ont fait de
l'illégalité leur norme. De fait dans les années 80, enregistrer une
entreprises prenait souvent plus de 250 jours ! Aujourd'hui, ne voyant pas
quels bénéfices tirer de la légalité, les gérants persistent à contourner la
loi.
Aussi, la place du secteur informel dans la
société péruvienne n'est pas seulement un problème économique, mais participe
d'une complexe « attitude contestataire, une rébellion des masses
populaires pour affirmer leur présence, survivre, atteindre le bien-être et,
surtout, devenir citoyens à temps plein », comme l'écrit le sociologue
Jose Matos Mar dans son livre « Débordement populaire et crise de
l'Etat ».
Des associations légales de commerçants
informels
De leur côté, la plupart des municipalités se
sont vues obligées de s'adapter, en régulant notamment le commerce ambulant
dans les rues. Pour ce faire, elles ont développé leur propre système de
location des espaces publics par tour du soir et du matin, ferment les yeux
quand certains riverains en font de même avec le bout de trottoir devant leur
porte.
La plupart des commerçants ainsi sédentarisés
créent leur propre formalité en se regroupant dans de paradoxales associations
légales de commerçants informels.
La dynamique qui accompagne ce secteur
extrêmement inventif n'a pas échappé aux banques et autres organismes de prêts,
qui ont développé tout une gamme de crédits à la mesure de ce capitalisme
microscopique.
Que ce soit pour améliorer son poste de vente ou
consommer, depuis un an, chaque citadin péruvien ou presque peut faire appel à
un prêt.
Ceci souvent à des taux prohibitifs, qui
atteignent parfois les 200% pour des crédits à la consommations sur un an.
Au-delà de représenter un manque à gagner non
négligeable pour l'Etat en terme de recouvrement de l'impôt, le travail
informel est un véritable creuset pour la pauvreté. Inutile de préciser que ces
travailleurs ne jouissent d'aucune couverture sociale, vacances ou garantie de
leur emploi.
Voilà donc l'Etat confronté à un
défi : persuader ses administrés de payer leurs impôts et faire
bénéficier toute la population de l'exceptionnelle croissance du produit
intérieur brut (9,84 % en 2008).
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