Juancitucha

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«Si le climat était une banque, vous l’auriez déjà sauvé!»

Les dirigeants de l'Alternative Bolivarienne pour les Amériques ont fait entendre leur position commune contre l'égoïsme des pays riches. Christophe Ventura de l'association Mémoire des Luttes nous parle de Copenhague et de la lutte des pays pauvres pour faire reconnaître à l'Occident sa «dette climatique».



Chavez:«Si le climat était une banque, vous l’auriez déjà sauvé!»

Alors que 120 chefs d’Etat et de gouvernement, dont Nicolas Sarkozy,  sont attendus ce jeudi 17 décembre pour les deux dernières journées du Sommet de Copenhague, tout semble confirmer qu’aucun accord à la hauteur des enjeux ne sera conclu sur place.

Tractations, petits gestes et vagues promesses  ne suffiront certainement pas à compenser le poids des obstacles structurels. Les pays industrialisés ne veulent pas d’un accord contraignant en matière de réduction d’émission des gaz à effet de serre (GES) - dont le niveau reste un sujet de débat important entre les différents acteurs -  qui ne s’imposerait pas aux pays du Sud. Ces derniers refusent un tel diktat et demandent le respect du Protocole de Kyoto comme unique cadre juridique international valable, ainsi que des engagements contraignants, en premier lieu pour les pays riches.

Les Etats-Unis, pour leur part, (alors que Barack Obama interviendra le 18 décembre au Sommet) rejettent toujours ce Protocole de Kyoto et se refusent à aller plus loin que leur proposition dérisoire en matière de réduction de leurs émissions. De son côté, la Chine, tout en annonçant des efforts, refuse d’accepter des contraintes si les Etats-Unis ne s’engagent pas dans le Protocole. De même, elle s’oppose à voir ses politiques nationales de lutte contre le réchauffement faire l’objet de contrôles internationaux.  La Chine s’est engagée à réduire ses émissions polluantes par point de PIB de 40 à 45 % d’ici à 2020 par rapport à 2005 mais cette offre signifie tout de même un doublement potentiel de ses émissions de GES  en 2020 par rapport à 2005 si sa croissance économique est, sur la période, de 8 % par an. Le Japon, lui,  a fait savoir qu’il pourrait réfléchir à sortir du Protocole.

Enfin, l’aide financière des pays riches vers les pays en développement reste largement insuffisante : 15 milliards de dollars du Japon et 10,5 milliards de dollars de l’Union européenne d’ici 2012 (la période à couvrir est 2012-2020). Les Etats-Unis ne proposent, eux, qu’une contribution (le chiffre de 1,2 milliards de dollars par an circule sans certitude à cette heure) dans le cadre d’un financement mondial estimé à 100 milliards. Enfin, ils proposent, avec le soutien de l’Australie, de la France, du Royaume-Uni, du Japon, et de la Norvège, 3,5 milliards de dollars pour un plan de lutte contre la déforestation.

Dans ce contexte, les signes de tension se multiplient aussi bien à l’intérieur du Bella Center, le centre des négociations, que dans les rues de la capitale danoise. La démission, mercredi 16 décembre, de la ministre danoise Connie Hedegaard  de la présidence de la conférence, suite au tollé provoqué par sa tentative de diviser des pays du Sud en négociant un texte,  inconnu d’une grande partie d’entre eux, avec des groupes de pays, a traduit la première expression de fébrilité des organisateurs du Sommet.

La réduction subite et drastique des accréditations pour les ONG et les mouvements sociaux dans l’enceinte du Bella Center et la multiplication des arrestations arbitraires (plus de 1 500 personnes depuis le début du Sommet dont, ces dernières heures, Tadzio Muller, porte-parole de la coalition des ONG Climate Justice Action) et des pressions sur les militants venus du monde entier trahissent cette nervosité accrue des organisateurs et des autorités.

Mais une nouvelle fois, c’est de l’un des pays du Sud qu’est venu hier l’évènement politique. S’appuyant sur la Déclaration spéciale des chefs d’Etat et de gouvernement de l’Alliance bolivarienne pour les peuples de notre Amérique (ALBA) sur le changement climatique,  adoptée le 14 décembre à La Havane lors de son VIIIème Sommet ( traduction ci-jointe), le président vénézuélien, Hugo Chavez, a fustigé, dans un discours qui a été le plus applaudi depuis l’ouverture du Sommet, le capitalisme qui dévaste la planète. Après avoir rappelé que «  les 500 millions de personnes les plus riches, qui représentent 7 % de la population mondiale, sont responsables de 50 % des émissions mondiales, alors que les 50 % des plus pauvres ne sont responsables que de 7 % des émissions », il a affirmé que « le modèle destructeur du capitalisme, c’est l’éradication de la vie ».

En brandissant à la tribune la traduction en espagnol du livre du journaliste français Hervé Kempf, intitulé Comment les riches détruisent la planète, le président vénézuélien s’est exclamé à l’intention des gouvernements du Nord : « Si le climat était une banque, vous l’auriez déjà sauvé ! ».

C’est aujourd’hui au tour du président bolivien, récemment réélu, Evo Morales, d’intervenir en session plénière. Il devrait, à son tour, défendre les propositions de l’ALBA comme, par exemple,  celle affirmant  que « les pays développés doivent consacrer 6 % de leur PIB aux pays en développement en apportant une contribution mesurable (…) en vue du paiement total de leur dette climatique. »

La Bolivie défend également la mise en place d’un tribunal climatique mondial et la reconnaissance des droits de la Mère-Terre, la Pachamama. Une résolution défendant ces derniers vient d’être adoptée par la deuxième commission des Nations Unies, en vue d’initier un large débat au sein de la communauté internationale sur une vie plus harmonieuse et plus respectueuse de l’environnement.

Déclaration spéciale sur le changement climatique approuvée lors du VIIIème Sommet des chefs d’État et de gouvernement de l’Alliance bolivarienne pour les peuples de notre Amérique (ALBA)
Les pays développés tentent de perpétuer leurs modèles de production et de consommation insoutenables.

1.    Les chefs d’État et de gouvernement des pays membres de l’Alliance bolivarienne pour les peuples de notre Amérique – Traité de commerce des peuples, réunis lors  de son VIII° Sommet, qui s’est déroulé à La Havane, Cuba, du 13 au 14 décembre 2009, ont convenu de réaffirmer la Déclaration spéciale sur le changement climatique adoptée lors du VII° Sommet de l’ALBA-TCP, à Cochabamba, Bolivie, le 17 octobre 2009.

2.    Ils ont observé avec une profonde préoccupation que l’état des négociations préliminaires à la XV° Conférence des Parties démontre que les pays développés, principaux responsables du changement climatique et de ses impacts néfastes, n’ont pas l’intention de parvenir à des résultats justes et équilibrés à Copenhague, après presque trois ans de négociations pour l’adoption de la seconde période d’engagement de réduction de gaz à effets de serre des pays développés, dans le cadre du Protocole de Kyoto, et après deux ans de négociations dans le groupe de travail sur la coopération au long terme pour un accord de la conférence des Parties qui permette une application pleine, effective et soutenable de la Convention, en totale conformité avec ses principes et ses engagements.

3.    Ils ont déploré que les pays développés se soient efforcés de dégrader et de vider de leur contenu les principes et les engagements du régime légal en vigueur, avec pour objectif de perpétuer ses modèles de production et de consommation insoutenables, ainsi que la dépendance et la marginalisation des pays en développement, en tentant de déplacer la charge que représentent l’atténuation et l’adaptation pour ces pays.

4.    Ils ont réaffirmé, dans ce contexte, que l’intention des pays développés d’imposer un accord politique qui condamnerait 80% de la population mondiale à vivre dans le sous-développement et la pauvreté est inacceptable. Ce ne peut être une option politique et cela  constitue un sérieux obstacle pour parvenir à un résultat juste et équitable à Copenhague.

5.    Ils ont confirmé que la Convention cadre des Nations unies sur le changement climatique et son Protocole de Kyoto constituent le régime juridique contraignant en vigueur. C’est lui qui fixe les normes de la réponse et de la coopération internationale pour affronter le réchauffement global, et comme résultat du consensus atteint par la communauté internationale pour faire face à l’un des problèmes les plus graves qui menacent l’humanité, ainsi que la vie et l’existence mêmes de certaines nations en voie de développement.
6.    Ils ont  catégoriquement rejeté les tentatives d’affaiblir la portée de ces instruments, de les supprimer ou de leur substituer de nouveaux accords qui dégraderaient ou modifieraient les obligations juridiquement contraignantes qu’ils avaient contractées.
7.    Ils ont constaté, une fois encore, que la crise environnementale résultant de l’élévation des températures atmosphériques est la conséquence du système capitaliste, de la durée de l’insoutenable modèle de production et de consommation des pays développés, de l’application et de l’imposition au reste du monde d’un modèle de développement absolument prédateur, et du manque de volonté politique pour la tenue plein et effective des engagements et des obligations prévus par la Convention et par le Protocole de Kyoto.
8.    Ils ont souligné que les pays développés, qui représentent à peine 20% de la population mondiale, ont contracté une dette climatique envers les pays en développement, les générations futures et la Terre-Mère, en sur-consommant l’espace atmosphérique et en générant approximativement les trois quarts des émissions mondiales de l’histoire.
9.    Ils ont reconnu que, pour atteindre l’objectif de stabiliser les concentrations de gaz à effet de serre dans l’atmosphère à un niveau pouvant empêcher une altération dangereuse du système climatique, les pays de l’Annexe 1 doivent revenir à des concentrations très en deçà de 300 ppm de gaz à effet de serre, en vue de revenir à des températures les plus proches possibles des niveaux pré-industriels.
10.    Ils ont mis en évidence le fait que cette dette climatique, dans le cadre plus large de la dette écologique, comprend tant une dette d’émission qu’une dette d’adaptation. Elle doit être honorée par les pays développés  par :
a)    des engagements contraignants de réductions nationales substantielles et de réabsorption d’émissions de gaz à effet de serre de manière à garantir le droit au développement des pays en voie de développement.
b)    la tenue de leurs engagements de transfert effectif de technologies, garantissant qu’elles soient accessibles, abordables, adaptables et que soient éliminés tous les obstacles liés aux droits de propriété intellectuelle, pour que les pays du Sud puissent entamer un processus de développement qui ne suive pas les modèles de consommation et de pollution du Nord.
c)    la tenue des engagements et des garanties de mise à disposition effective des ressources financières publiques additionnelles, adéquates, prévisibles et soutenables, en soulignant que les besoins pour l’adaptation des pays en développement ont augmenté du fait de la crise climatique. Pour éviter une catastrophe climatique majeure, les pays développés doivent consacrer 6 % de leur PIB aux pays en développement en apportant une contribution mesurable (notifiable et vérifiable) en vue du paiement total de leur dette climatique.

11.    Ils ont fait ressortir que, pour parvenir à l’application effective de la Convention cadre des Nations unies sur le changement climatique et du Protocole de Kyoto, il faut des organes compétents pour l’adaptation, les transferts de technologies et le développement de capacités, ainsi que les mécanismes financiers améliorés.
12.    Ils ont rejeté catégoriquement les tentatives de transférer les responsabilités de l’atténuation aux pays en développement, ainsi que l’établissement de conditionnalités pour les transferts de ressources financières et technologiques en vue de combattre le changement climatique. Ils ont exigé que soit respecté le droit au développement soutenable de ces pays, dans un environnement sain, écologiquement équilibré, et avec l’espace atmosphérique requis.
13.    Il ont mis en avant le fait que les pays développés tentent d’ignorer cette dette climatique, expression concrète de leur responsabilité historique dans la Convention cadre des Nations unies sur le changement climatique et du Protocole de Kyoto et que, à cet effet, ils promeuvent un nouvel accord dans lequel leur culpabilité n’est pas mise en évidence.
14.    Ils ont souligné la nécessité de changer les modèles de consommation et les styles de vie dans les pays développés et de réformer le système économique, commercial et financier international.
15.    Ils ont rejeté les solutions du marché et la vente de bons carbone pour résoudre les problèmes du changement climatique. Elles s’inscrivent en effet dans la logique même qui a provoqué l’éclatement de la plus grave crise économique et financière globale depuis la Grande Dépression, qui a mis des millions de  travailleurs au chômage et qui a aggravé la pauvreté, ainsi que la crise alimentaire des pays en développement. Ils ont également souligné que les marchés de carbone permettent à ceux-là même qui ont provoqué le changement climatique de continuer à polluer, tandis que la charge de la réduction des émissions est transférée aux pays en développement.
16.    Ils ont manifesté que la nécessité de fournir aux pays en développement les ressources financières adéquates pour couvrir la totalité des dépenses additionnelles générées par les impacts du changement climatique, il ne s’agit pas d’une question de marché, mais d’une obligation légale et morale, dérivée des accords assumés par les pays développés via la Convention.
17.    Ils ont signalé que les tentatives des pays développés d’impulser l’adoption d’un accord  violant les principes de responsabilité historique, d’équité et de responsabilités communes mais différenciées portent atteinte au droit au développement des pays en voie de développement et représentent une grave atteinte aux droits de la Terre-Mère.
18.    Ils ont confirmé leur volonté de travailler sur la base de positions mises en cohésion pour contribuer de manière constructive aux délibérations de Copenhague et à tout autre processus ultérieur, afin de parvenir à un résultat juste, équilibré et équitable qui permette d’atteindre l’objectif premier de la Convention en pleine concordance avec ses principes et engagements.
19.    Ils ont demandé solennellement aux pays développés de démontrer, de manière effective et convaincante, leur volonté politique de respecter pleinement leurs obligations actuelles et futures, au moyen d’engagements sérieux, ambitieux et comparables, dans le cadre de la Convention cadre des Nations unies sur le changement climatique et du Protocole de Kyoto.
20.    Ils ont reconnu que les mesures volontaires visant à l’atténuation et les alternatives aux mécanismes traditionnels de marché, adoptées par certains des pays membres de l’ALBA, doivent être reconnues, compensées financièrement et promues au niveau mondial. En particulier, ils ont reconnu et soutenu l’initiative de l’Équateur dénommée Yasuni-ITT, en la considérant comme novatrice et d’avant-garde pour affronter le problème du changement climatique.
21.    Ils ont réaffirmé que la position des pays de l’ALBA sur le changement climatique reflète une conception du développement qui n’est pas fondée sur la marchandisation de la nature, mais qui est guidée par le paradigme du Vivre bien, qui suppose des relations d’harmonie et de respect de la nature et d’autrui.

Source : Bolpress.



sources :
http://www.marianne2.fr/Chavez-Si-le-climat-etait-une-banque,-vous-l-auriez-deja-sauve!_a183170.html



17/12/2009
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