La renaissance politique des Amérindiens et l’altermondialisme
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Après la première Rencontre indigène continentale tenue à Teotihuacan en 2000, la deuxième qui a eu lieu à Quito en 2004, le troisième sommet d'Abya Yala a eu lieu à Tecpan au Guatemala a la fin mars 2007. En continuité avec les avancées politiques réalisées par le sommet de Quito, cette rencontre est aussi un nouveau pas dans la coordination des organisations indigènes de l'Amérique centrale et celle des pays andins. Le lieu choisi correspond au site d' IXIMCHE, prestigieuse ville maya brûlée au 16e siècle par les conquérants espagnols. . Cependant, les descendants des peuples Mayas, Xinca et Garifuna, en accueillant les participants témoignait non seulement de leur survie mais de leur renaissance.
Le document qui conclut la 3e Rencontre des peuples de Abya Yala, s'intitule « Déclaration de Iximche » ; il a une valeur symbolique mais aussi pratique.
La déclaration introduite en langue nahualt réaffirme les fondements philosophiques de cette rencontre et la corrélation entre le « bien vivre » (le sumak kawsay) des peuples qui a pour fondement la dignité. Mais dans son ensemble elle a surtout un contenu politique ; elle invite les peuples indigènes à renforcer leur union avec les mouvements sociaux du continent et du monde pour combattre le néolibéralisme, elle invite à poursuivre la lutte contre les traités de libre-échange .Elle fait de ces luttes un préalable pour la défense du droit au territoire ancestral. Elle corrèle la revendication de la souveraineté alimentaire à la lutte contre l'agro- business et les transgéniques.
La déclaration se conclut par cette phrase « Nous rêvons de notre passé nous nous souvenons de notre avenir »
La déclaration de l'ONU sur les droits des peuples indigènes
Le 13 septembre 2007, l'Assemblée générale des Nations Unies, au terme de 20 ans de débats difficiles, a adopté la Déclaration universelle des droits des peuples indigènes. Cette décision qui légitime l'existence des peuples oubliés indique également une certaine mise en doute de notre civilisation et surtout de son concept de développement. Ce texte de 46 articles reconnaît le droit à la libre détermination des peuples en même temps qu'il garantit l'unité politique des États. Ce texte reconnaît les droits des peuples sur les ressources naturelles présentes sur leurs territoires. La valeur symbolique de ce texte n'est pas négligeable ; c'est pourquoi, le gouvernement d'Evo Morales a incorporé cette déclaration dans la nouvelle Constitution de la Bolivie. La Déclaration de l'ONU est une arme pour les peuples autochtones mais ils ne pourront l'utiliser dans le cadre national qu'en fonction du rapport de force favorable qu'ils auront pu créer dans chaque pays.
La place des mouvements indigènes dans l'altermondialisme
Le 12 octobre 2007 qui a suivi la tenue du 3e sommet des peuples de Abya Yala au Guatemala a été la Journée de la mobilisation des peuples indigènes du continent (alors que traditionnellement le 12 octobre était fêté en Espagne et en Amérique du Sud, comme « dia de la raza » la journée du triomphe des chrétiens blancs sur les « moros » et les non- blancs en général). A partir du Cuzco a été lancé un nouveau cri « Nous, Peuples indigènes, ne sommes pas le folklore de la démocratie ni un complément du paysage. Nous sommes acteurs politiques descendants de grandes civilisations et nous nous proposons de changer le système sa conception, sa structure, nous sommes acteurs de la transformation des États. Nous ne comprenons pas ce que signifie défense des droits de l'homme si cela signifie que la nature, les animaux, les arbres, les fleuves, n'ont pas le droit d'être respectés ; nous appartenons à la Pachamama et nous vivons grâce à Inti le soleil. Nous sommes les hôtes provisoires d'un territoire que nous devons transmettre aux générations futures ».
On reconnaît dans ce propos celui des penseurs modernes de l'écologie. En quoi la révolte des Indigènes contre le système néolibéral et leur revendication d'un mode de vie collectiviste peuvent ils enrichir la quête des altermondialistes ?
On ne peut ignorer bien sûr le hiatus philosophique entre la vision l'homme gréco biblique, l'homme seul oscillant entre la peur et la volonté de puissance et la vision de l'homme totalement solidaire d'une collectivité et en empathie avec la nature. Cette distance culturelle était déjà apparue au cours de la controverse de Valladolid en 1540 entre le dominicain Las Casas évêque du Chiapas et le juriste Gines de Sepulveda, représentant du pape , controverse qui portait sur le fait de savoir si les Indiens avaient une âme, ce que prétendait Las Casas. Les arguments de Sepulveda prouvant que les Indiens n'avaient pas d'âme étaient : ils ignorent la propriété privée de la terre ils ne thésaurisent pas l'or et en font des sculptures ils ignorent l'échange marchand.
Dans ce débat, si actuel, tout était dit de cette distance philosophique entre les deux civilisations.
Cependant, alors qu'à l'époque, les Espagnols avaient reconnu aux communautés indigènes des droits de propriété collective sur des territoires excentrés, les « resguardos », aujourd'hui on veut les en priver.
Il est évident que le capitalisme a aggravé la contradiction entre civilisation communautariste fondée sur la solidarité et civilisation marchande favorisant les rivalités inter individuelles, les droits sur la terre et les droits sur le territoire ont été rognés peu à peu, et le sont plus encore aujourd'hui .
Il est évident que la vision de la terre « la tierra es de todos o sea de nadie en particular » (la terre est à tout le monde et à personne en particulier) fait obstacle au système en vigueur, système aggravé par la notion de droits de propriété intellectuelle appliqués à des biens naturels vitaux. Il est évident que les modalités d'utilisation de la terre par les Indigènes dont l'objectif est l'obtention de la subsistance et non pas du profit financier, sont aussi en contradiction avec le système dominant. En outre, la pratique de la « minga » le travail collectif gratuit qui implique que la commune rurale est un lieu d'échange solidaire et de reproduction d'une culture étrangère à l'échange marchand ajoute une contradiction supplémentaire.
Enfin, les Indigènes de Abya Yala remettent en question le modèle de développement adopté par les tenants du système néolibéral, ils refusent le modèle productiviste qui implique notamment le saccage des ressources vitales de la planète .
Les Indigènes refusent, comme les autres mouvements anticapitalistes les méga-projets comme le Plan Puebla Panama ou le Plan IRSA. Le Plan Puebla Panama vise à créer de grands barrages en Amérique centrale et à réaliser une interconnexion énergétique de tous les pays de l'isthme en même temps que des zones franches et des ports destinés à l'exportation des ressources minérales ; tous les travaux étant supervisés par la banque mondiale et réalisés par les consortium internationaux de TP. Le même modèle de développement est projeté sous le nom de IRSA (Initiative pour l'intégration des infrastructures régionale sud- américaines), allant de l'Amazonie à l'Argentine, avec pour but de tirer partie du bassin aquifère guarani, le plus important du continent. On devine que ces mega-projets lancés par les décideurs internationaux ignorent la volonté des populations locales et sont étrangers à leur vision du monde ; c'est pourquoi ils sont combattus par les altermondialistes.
En résumé la vision des Indigènes repose sur la définition du rapport à la terre et du lien « Terre, Territoire et Dignité ». C'est là que leur projet rencontre le programme de Via campesina et du MST et du Grito de los Excluidos ; car les Indigènes sont aussi des paysans. La réforme agraire a pour objet non seulement de produire des cultures vivrières, mais de transformer le sens du travail, les rapports humains dans le travail et enfin de protéger la terre des dégradations pour la transmettre aux générations futures. Il ne s'agit pas seulement du mode juridique de tenure de la terre mais aussi de relations des êtres humains avec le sol, l'air et l'eau et tous les êtres vivants animaux et végétaux.
En somme le Indigènes ont toujours pratiqué une anthropologie écologique. Leur renaissance politique est un apport à la quête altermondialiste.
Source : Attac France
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