Juancitucha

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Lettre ouverte au Président du Pérou en soutien aux communautés indigènes de l’Amazonie péruvienne

Monsieur Alan Garcia,
Président de la République de Pérou


Après la Conférence de Copenhague et à la veille de l’année internationale de la Biodiversité (2010), nous, responsables politiques et élus Verts/Europe Écologie de France et du Parlement européen, exprimons notre vive préoccupation devant les graves problèmes rencontrés par les communautés indigènes de l’Amazonie péruvienne.

La sagesse ancestrale de ces peuples, basée sur une conception soutenable et respectueuse de la « Mère Terre », leur a permis de vivre depuis toujours en harmonie avec leur territoire, tout en préservant leurs ressources. Ils figurent aujourd’hui parmi les populations les plus pauvres du Pérou. 60 % (voire plus) vivent en dessous du seuil de pauvreté. Ils sont également confrontés à la destruction des forêts, à la pollution des rivières et des sols, avec des impacts graves sur la santé et sur la pérennité des éco-systèmes. Leurs conditions de vie sont aujourd’hui en danger.

Votre pays possède la 5e forêt primaire mondiale et fait partie des 20 pays de la planète les plus riches en biodiversité. Plusieurs contrats de prospection et/ou d’exploitation minières, d’hydrocarbures, forestières et d’agro-exportation ont été accordés notamment aux entreprises multinationales, par votre gouvernement. Ils couvrent 72 % de la forêt et se superposent à des nombreuses réserves communautaires et à des parcs naturels protégés. Ce processus se déroule dans le déni de la Convention 169 de l’OIT et d’autres traités internationaux qui protègent les droits des peuples indigènes et la biodiversité.

Trois exemples emblématiques parmi des dizaines : la lutte actuelle des peuples Yine, Matsigenka y Harakmbut en Madre de Dios, contre les entreprises pétrolières Hunt Oil (USA) et Repsol-YPF (Espagne), qui ont prévu dans le lot 76 de 1 500 000 ha, la construction de 18 lignes sismiques, 166 héliports, 1 944 zones de décharge, 166 campements, etc. qui vont engloutir la réserve indigène communautaire Amarakaeri se trouvant à proximité des Parcs nationaux protégés du Manu, Bahuaja-Sonene et de la Réserve naturelle Tambopata-Candamo, considérées parmi les plus riches en biodiversité du Pérou et du monde. Autre exemple : les luttes du peuple Achuar contre les problèmes graves de pollution et de santé publique générés par l’entreprise pétrolière argentino-chinoise Pluspetrol, à Loreto. Finalement, les luttes pour la survie des derniers peuples indigènes, en isolement volontaire, contre la multinationale pétrolière franco-britannique, Perenco et l’espagnole Repsol, dans la région de Loreto.

Le Pérou est également un des pays les plus vulnérables aux impacts du changement climatique, comme en témoigne la fonte avancée des glaciers des Andes. La protection des forêts, de leur biodiversité et des peuples qui y habitent est un devoir de votre gouvernement.

Nous vous demandons, Monsieur le Président,

• De remettre en cause votre modèle de développement productiviste, et de mettre en place des politiques de développement soutenables et de justice sociale. D’arrêter les projets extractifs des territoires des communautés indigènes qui n’ont pas été consultés ou qui mettent en péril la biodiversité, comme l’exigent la Convention 169 de l’OIT, la Déclaration sur les droits des peuples autochtones, et la Convention sur la Biodiversité Biologique de l’ONU.

• De reconnaître et de respecter l’AIDESEP, comme une organisation légitime et représentante des peuples indigènes de l’Amazonie.
• D’autoriser le retour immédiat d’Alberto Pizango, président de l’AIDESEP, en exil au Nicaragua, et de mettre fin aux procès et à la persécution des dirigeants et des membres de l’AIDESEP, des syndicalistes, des journalistes, des défenseurs des droits humains au Pérou.

• De dédommager les blessés et les familles des victimes civiles et policières de la tragédie de Bagua.

• De doter la Commission de la vérité sur les événements tragiques de Bagua, des moyens nécessaires, de respecter leur autonomie, et d’intégrer des observateurs internationaux.

• De garantir l’indépendance réelle de la justice et du ministère public dans tous les procès judiciaires en lien avec les événements de Bagua, de garantir la sécurité des juges et des procureurs, afin qu’ils puissent réaliser leurs travaux sans pression et sans intimidation.

•D’abroger les décrets législatifs, portant atteinte aux droits des peuples autochtones et à l’environnement, qui ont déclenché les événements tragiques du juin 5 dernier à Bagua..

• De respecter les droits humains, les libertés démocratiques et assurer des conditions de vie dignes pour tous les habitants de votre pays, en particulier pour les indigènes des Andes, de l’Amazonie, et des communautés afro-péruviennes, parmi les plus pauvres et discriminées du Pérou.

• De privilégier la voie du dialogue et de la concertation pour la résolution des conflits, comme vous le demandent les peuples autochtones.

En vous souhaitant bonne réception de cette lettre, nous vous prions, Monsieur le Président, d’accepter l’expression de notre haute considération.



03/01/2010
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