Au
Pérou, une grossesse peut très vite conduire une adolescente à
l’exclusion sociale. Et cette situation est d’autant plus inquiétante
qu’elle touche de nombreuses jeunes filles. Dans ce pays, où le droit à
l’avortement n’est pas reconnu, les adolescentes péruviennes présentent
un taux de grossesse d’environ 13% auquel s’ajoute un phénomène de
violence puisque les abus sexuels sont à l’origine de 6 grossesses non
désirées sur 10.
« La
santé sexuelle et reproductive des adolescents représente
un véritable tabou au sein de la société
péruvienne »
explique Maryse Boscaméric, responsable de mission à Médecins du Monde.
Ces interdits qui planent au-dessus de la tête des adolescents les
empêchent directement d’avoir accès à une information efficace sur leur
sexualité et sur les possibilités de contraception. Selon une enquête
menée à Lima par les équipes de Médecins du Monde, 8 adolescents sur 10
ne savent pas ce que signifie « la santé sexuelle » et 9 sur 10 « la santé reproductive ».
En conséquence, très peu d’adolescentes célibataires (4%) utilisent des
contraceptifs, même si la « pilule du lendemain » a été officiellement
autorisée dans le pays l’année dernière.
Accès verrouillé
En pratique, le système de santé péruvien n’offre aucune solution
adaptée aux besoins spécifiques des adolescentes concernées par une
grossesse prématurée ou tout simplement en demande d’une consultation
sur le sujet. « A l’heure actuelle, un adolescent qui
souhaite voir un médecin dans un centre de santé est obligé de s’y
rendre en compagnie de son tuteur légal, ce qui limite sérieusement les
consultations » observe Maryse Boscaméric. « En
plus, les adolescents en difficultés n’ont pas
forcément les ressources financières nécessaires ».
Une adolescente enceinte ayant de grandes chances de se voir exclue de
son école, elle perd, de ce fait, son droit d’accéder aux soins de
santé. Les suivis sanitaires étant tout aussi insuffisants pendant les
grossesses, les risques de complications sont élevés au moment de
l’accouchement. Au total, au Pérou, seule la moitié des accouchements
est assistée par un personnel de santé qualifié, selon le rapport
mondial sur le développement humain 2005. C’est pourquoi la mortalité
maternelle est particulièrement élevée (410 pour 100 000 naissances
selon le même rapport), soit la plus élevée d’Amérique latine, avec
celle de la Bolivie. Cette mortalité est principalement due à des
hémorragies, à des avortements pratiqués dans de mauvaises conditions,
à des infections et à de l’hypertension.
Décentralisation de la santé ?
Face à un tel désarroi, comment venir en aide à ces adolescents ?
Les associations comme Médecins du Monde, qui agissent dans le domaine
de la santé, ont commencé par mettre en place des programmes de
prévention, de soins et d’accès à la santé, afin d’apporter une
assistance à ces jeunes dans leurs interrogations et leurs souffrances.
Mais à côté de ces programmes concrets de prise en charge, c’est bien
sûr la sensibilisation à grande échelle qu’il faut développer. Le
problème des mères adolescentes, et plus largement de l’accès à la
santé sexuelle pour chaque adolescent, doit être pris en compte au
niveau des acteurs communautaires, religieux et publics, de la société
civile et des institutions publiques. Dans son programme, le président
Alan Garcia, élu le 24 juin dernier, proposait le transfert des
services de santé aux municipalités. « Les élections
municipales et régionales, prévues le 19 novembre, représentent une
nouvelle occasion pour relancer le débat et sensibiliser les autorités
publiques » estime Maryse Boscaméric.
Stéphanie Senet - Médecins du Monde